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  • Photo du rédacteurClémence Brun

La mindfulness : la réponse contre le stress des soignants ?

Dernière mise à jour : 16 déc. 2021



La crise sanitaire actuelle demande aux soignants de mobiliser toutes leurs ressources. La fatigue accumulée, aussi bien physique que mentale, a un impact direct sur leur santé. Cela met un coup de projecteur sur une réalité qui coûte cher au secteur médical depuis longtemps : les métiers de soin sont difficiles, a fortiori quand les conditions de travail le sont également. Certaines initiatives n’ont pas attendu la crise actuelle pour tenter de protéger les soignants, et aussi limiter l’effet de ce stress quotidien sur les patients.

 

Plus on est stressé, moins on est à l’écoute


Cela n’est un secret pour personne : depuis que la COVID-19 a posé ses valises en France, nos soignant(e)s ne savent plus où donner de la tête. Le nombre de personnes hospitalisées ne cesse d’augmenter et cela ne va pas en s’arrangeant. Évidemment, ce rythme soutenu a des conséquences négatives sur le bien-être des soignant(e)s qui ressentent une grande détresse face à cette situation.


Mais quid des patients ?


La recherche nous dit qu’ils en pâtissent également. En effet, l’exposition chronique à la détresse des patients engendre un grand stress pour les soignants. Ce stress constant diminue les tendances prosociales des soignant(e)s (i.e., des gestes ou actes qui contribuent aux relations sociales). Il devient alors difficile pour les soignants de faire preuve d’empathie envers les patients.


 

Respirer un bon coup pour mieux repartir


Rassurez-vous, le bien-être des soignant(e)s et son impact sur la qualité des soins est une question largement étudiée dans la recherche. De nombreux chercheurs se sont demandés comment faire pour assurer la qualité des soins donnés aux patient(e)s en apprenant aux soignant(e)s à prendre soin d’eux mêmes. Attention, il ne s’agit pas de compenser les problèmes structuraux qui affectent le secteur médical (effectifs, budgets, infrastructures …). Il s’agit uniquement d’apporter une réponse aux caractéristiques intrinsèquement stressantes du métier de soignant(e), même dans un environnement propice à la qualité de vie au travail : la quantité d’imprévus, la confrontation à des situations sociales et sanitaires difficiles, ou encore la dureté psychologique de certains moments…


Parmi les dernières initiatives en date, on trouve le programme MB Care développé par Corinne Isnard Bagnis, professeure de néphrologie de l’AP-HP. Ce programme spécialement conçu pour les soignant(e)s vise à leur apprendre à se protéger des situations émotionnellement difficiles, tout en rendant la relation de soin plus centrée sur le patient, pour le bénéfice des soignant(e)s et des patient(e)s. Il est organisé autour de trois thèmes qui constituent son ADN : la pleine conscience, la compassion et l'auto-compassion.


Mais qu’a donc ce programme que les autres n’ont pas ? Sa principale force, c’est son aspect “appliqué”. Le programme propose aux soignant(e)s de pratiquer la méditation dans des situations exemples que les soignant(e)s rencontrent réellement dans leur pratique professionnelle (“Comment un body scan sur la pause déjeuner peut m'aider à prendre conscience de mon stress pour mieux le gérer avant d'entamer une après-midi chargée ?”). De cette manière, le programme MB CARE adapte directement la pratique de la pleine conscience aux situations professionnelles pertinentes pour les soignant(e)s, en se concentrant sur les relations patient(e)/soignant(e) ou entre professionnels. Exit les programmes de développement personnel qui se concentrent exclusivement sur le ressenti des soignants et bonjour le programme qui développe les soft skills des soignants dans leur pratique. Avec MB Care, on prend soin des autres en prenant soin de soi !

 

Des résultats encourageants


Afin de s’assurer de l’efficacité de cette formation, la professeure Isnard Bagnis a contacté AD-HOC Lab pour que nous réalisions ensemble une étude auprès de soignant(e)s ayant suivi le programme. Nous nous sommes entretenus avec eux, et au terme de ces entretiens, il est apparu que :

  • Le programme MB Care avait un impact global positif sur la capacité des soignant(e)s à prendre soin d’eux.

  • Il avait développé les capacités d’écoute attentive des soignant(e)s,

  • Ainsi que leurs capacités de métacognition via la focalisation sur leurs expériences, c’est à dire qu’ils “s’observaient penser” davantage (“Ah tiens j’étais en train de me dire que ce/cette patient(e) m’énerve”). Cela leur permettait notamment de prendre de la distance avec la situation et d’évaluer ce qu’ils ressentaient (“Est-ce vraiment ce/cette patient(e) qui m’énerve ou suis-je énervé parce que j’ai du retard dans mes consultations ?”).

  • Que les soignant(e)s continuaient de pratiquer la méditation de pleine conscience après la formation, notamment via des pratiques informelles au travail (ex : des exercices de respiration entre deux consultations),

  • Que les soignant(e)s étaient davantage capables d’accepter leurs émotions et expériences négatives, et celles de leurs patient(e)s,

  • Et que les soignant(e)s se considéraient plus empathiques envers leurs patients et leurs souffrances. Ils étaient désormais capables de comprendre la douleur des patients sans en être personnellement affectés.


En somme, le programme fonctionne.

 

Méditer = Efficacité


Qu’en déduire ? Faut-il disséminer des tapis de yoga dans les couloirs de tous les hôpitaux ? Pas nécessairement. On invite les soignant(e)s à télécharger des applications qui permettent de faire de la mindfulness ?


L’idée est surtout de favoriser l’implémentation d’une pratique régulière de la méditation de pleine conscience dans les milieux hospitaliers. La méditation de pleine conscience est très peu coûteuse (vous avez besoin de vous et de rien d’autre) et elle peut être pratiquée où l’on veut, quand on veut, seul(e) ou en groupe.


Chaque soignant peut débuter par une pratique ponctuelle lorsqu’il en ressent le besoin, comme pour mieux gérer une situation stressante par exemple (avant ou après une consultation difficile). Les soignants qui le désirent peuvent également contacter leurs chefs de services afin de favoriser l’implémentation d’une pratique ritualisée sur le lieu de travail. Débuter la méditation en groupe peut aussi être une piste intéressante, surtout si des méditants expérimentés sont présents dans le groupe. La pratique de la méditation peut aussi s’instaurer petit à petit chez soi, en se réservant une plage horaire quotidienne ou hebdomadaire pour pratiquer au calme.

 

La méditation de pleine conscience constitue donc une porte d’entrée vers une nouvelle ère de la médecine où les soignant(e)s développent leurs compétences professionnelles “humaines” pour mieux prendre soin d’eux mêmes et ainsi être plus en capacité de prendre soin des autres.


 

L’article complet de notre étude avec la professeure Isnard Bagnis est disponible ici !

Découvrez également ses cours de méditation sur son site personnel : https://ecoleducare.thinkific.com/







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